Improvisation

… et potentiellement composition

On me questionne régulièrement à propos de l’improvisation, comment fait-on pour improviser, est-ce que je peux donner des cours pour apprendre cela.

Euh… ça me passionne en tous points, cependant rien ne me semble évident sur ce sujet. Je ne sais pas exactement comment je fais, improviser est à la fois un lâcher prise et une rigueur pour être cohérent, ne pas être bavard pour ne rien dire. Tout cela en temps réel.

Je n’ai pas encore trouvé la bonne analogie pour décrire ce processus un peu mystérieux.

L’improvisation est avant tout une question de culture. En quelque sorte, on reproduit des styles que l’on a entendus, on reprend plus ou moins consciemment des schémas familiers, tant sur le langage lui-même que sur la structure de la proposition que l’on fait.

L’audio ci-dessous est un exemple d’improvisation complète.

Le contexte : nous étions sortis pour mon anniversaire et lors de cette soirée, ma compagne m’avait offert un lecteur enregistreur mini-Disc et le microphone ad hoc. Impatient d’essayer mon nouvel appareil, sitôt rentrés, nous congédions la baby-sitter ; notre petit garçon (donc mon fils Arthur) de 2 ans dort dans la mezzanine, je dois faire le minimum de bruit. Je branche vite mon nouvel enregistreur et me mets au piano. J’enclenche l’enregistrement et appuie sur la pédale sourdine du piano. Et je joue. Sans préméditation, et dans le contexte, je compose en improvisant un morceau que j’appellerai ensuite Berceuse en sourdine. On entend bien les hésitations, les maladresses, des creux et des bosses. On a malgré cela une certaine ambiance, une proposition a peu près cohérente qui éclôt de ce contexte.

Autre exemple d’improvisation. En 2010, lors d’un concert des profs, nous avons prévu de jouer Have You Met Miss Jones en trio, et répété une structure et une manière conventionnelle. Tout va bien.

Nous nous installons sur scène, et sans aucune anticipation, je démarre tout seul par une impro dans les graves du clavier, de manière très rythmique et staccato fortissimo. Je n’ai rien prévu, ni de faire cette impro et encore moins de comment « revenir » au morceau, au thème et au fait de jouer un standard en trio. On fait ça tout le temps, on lance un caillou sans faire trop attention, puis il faut gérer les ricochets. Au passage, on entend que je cite le Sacre du Printemps, Girl from Ipanema. Encore une fois, rien d’anticipé.

J’appelle ça l’ultra-présent. C’est un néologisme qui me parle, qui correspond à ce que je ressens.

L’impro, évidemment, fait aujourd’hui penser au jazz.

Et pourtant, jusqu’à la période Romantique, les cadences étaient des moments de liberté pour les chanteurs ou les solistes instrumentistes. De vrais moment d’improvisation, de création. Certes, le bel canto s’en est amusé aussi au XIXe siècle, mais. bien vite beaucoup de ces cadences sont figées par d’autres interprètes. Idem avec les cadences des grands concertos.
À l’époque baroque, la basse continue est réalisée en temps réel, c’est-à-dire qu’à part la basse qui est écrite, les autres instruments improvisent la partie d’accompagnement.
Au XXe siècle, les compositeurs dits de musique contemporaine vont réhabiliter l’improvisation, souvent à la base de cellules à expliquer librement et de manière semi-guidée ou aléatoire.

Je ne compte pas le nombre de fois où je me suis mis au piano, juste pour le plaisir de jouer sans réfléchir, d’improviser. Le résultat n’est pas toujours à la hauteur de la liberté que l’on s’offre !